Onzième dialogue : Les recettes peuvent-elles être de la poésie ?

Onzième dialogue : Les recettes peuvent-elles être de la poésie ?

« La Cuisinière Provençale » de Jean-Baptiste Reboul, Éditions Tacussel
 
« Ars Poetica » - Onzième dialogue :
Les recettes peuvent-elles être de la poésie ?

Chère Ryoko,

Votre question m’amène aux artichauts à la barigoule de ma mère.
Je suis provençal et ai été élevé à l’huile d’olive. Toute la cuisine était préparée avec les aliments et les animaux locaux, dans le style du régime Crétois : beaucoup de légumes, peu de viande, des fruits en abondance et du vin bien sûr. On ne connaissait pas le beurre, le lait on en faisait du fromage.
Les recettes se transmettaient de mères en filles (et en fils), et je me souviens de ma grand mère qui disait à ma soeur « je vais t’apprendre cette recette comme ça quand tu prépareras ce plat tu penseras à moi ». Les recettes se transmettaient aussi par les livres, tout bon provençal devant ainsi posséder dans sa bibliothèque « LE » Reboul, livre culte réédité plus de 28 fois, avec toujours la même couverture jaune, dans lequel sont consignées les recettes traditionnelles et populaires de cette région.
Mais la poésie des recettes est qu’effectivement le même texte produit un goût different dans chaque famille. Je n’ai jamais retrouvé le goût des artichauts à la barigoule que me préparait ma mère. Parce que les siens étaient les meilleurs bien sûr, préparés dans un rituel immuable dans lequel j’étais mis à contribution. Certainement aussi parce que ce goût m’a accompagné tout au long de mon enfance et qu’il est lié aux souvenirs de celle-ci.
L’année dernière, alors que je restais chez ma fille Ève pendant le premier confinement, nous avons préparé et dégusté ensemble ces fameux artichauts à la barigoule, à la recherche de ce goût perdu.

— Yvon

 

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